Jean Leviste, baron de Montreuil et mécène de la Dame à la Licorne


La tapisserie

Exposée au musée Cluny à Paris, la médiatique tapisserie de la Dame à la Licorne, a longtemps  stimulé imagination des romanciers et polémiques des amateurs et historiens de l’art. Cette oeuvre Elle fut idéalisée par la romancière  George SAND  qui la découvrit  en 1841 au château de Boussac (Creuse), et en fit la base de"Jeanne", son premier roman champêtre "Jeanne", selon « Promenade dans le Berry »  en 1992, collection Le Regard Littéraire, n°55". Plus récemment, la romancière américaine Mary Tracy reprit l'idée et publia son roman à succès « la dame à la Licorne ».

La tapisserie comporte 6 panneaux représentant le portrait d'une jeune femme vêtue de costumes différents qui tend son miroir à une Licorne. Acquise par Edmond du Sommerard en 1882 à la municipalité de Boussac pour la somme de 25.000 francs-or, elle aurait été tissée à Bruxelles selon  les uns à Paris selon les autres, mais tous s’accordent pour considérer que le mécène de cette oeuvre fut le juriste Jean Le Viste, quatrième du nom dont les armes de gueule, à la bande d'azur, chargée de trois croissants d'argent  figurent sur la tapisserie.
licorne armes Le Viste


Jean Le Viste

Jean Le viste, ou Leviste,  fils ainé d'Aimé Le Viste, appartenait à une famille que l'on croit originaire de la région de Neuville-sur-Saône (Rhône)  dont les membres firent fortune dans le commerce, s'assurèrent une place dans l'oligarchie urbaine de Lyon et prétendaient à la noblesse.

Il fit ses études d”avocat à Avignon et monta à Paris en 1464 comme conseiller du roi au Parlement. Au service de la diplomatie des rois  Louis XI puis Charles VIII, il fut nommé en 1489,  Président à la Cour des Aides.
Auparavant, vers 1475, il avait épousé Geneviève de Nanterre, fille de Mathieu ( parfois dit Mahieu)  Président du Parlement de Paris et vivait rue Notre -Dame des Champs et ensuite rue du Four à Saint-Germain des Près. Il testa le 9 mai 1500 devant Simon Baudequin & Pierre Chevalier, notaires du Roi au châtelet de Paris , décéda le 1er juin 1500, à l'âge approximatif de  68 ans et fut inhumé aux Célestins de Paris.
Jean LeViste était seigneur du château familial d'Arcy, écart de Vendecy (Haute-Loire), sur la rivière Loire, à proximité de Lyon, peut-être aussi seigneur d'Arcy-sur-Oise si l'on en croit la "prosographie des gens du Parlement 1266 à 1753", publiée par Michel Popoff. En outre, et  d'après les "Hommages à la Chambre de France", il possédait à Montreuil-sous-Bois ( 93) les fiefs d'Orléans, de Villemomble  d'Arcy, de la Pissotte et fut à partir de 1490, baron de Montreuil avec  le  manoir et la propriété de feu Charles Boistel. Il possédait en outre à Montreuil en 1482 la censive de Nanterre au lieu-dit "sur le pré"qui lui venait de son beau-père . Elle se trouvait sur le chemin des Bonhommes. Cette censive ainsi que la propriété de Charles Boistel -emplacement 2 en haut à droite approximativement de nos jours rue Dombasle- figurent sur le plan c-dessous. 

Manoir de Boistel

De par l'héritage de sa femme, Jean Le Viste était seigneur du fief et de l'hôtel seigneuriale de Maincourt-sous-Dammartin dit Bois-Touzet, écart de Longperrier (Seine-et-Marne)  mouvant du comté de Dammartin-en-Goële.
Après son décès, ce domaine revint à Jeanne de Nanterre, épouse de Jean Luillier, procureur général au Parlement et à Claude , fille aînée de Jean Le Viste, laquelle épousera le 26 août 1493 Geoffroy de Balzac, seigneur d'Entragues et châtelain de Bagnols-en-Beaujolais (1489-1510). Le 30 octobre 1490, le couple eut l'honneur de recevoir le jeune roi Charles VIII.
 Au décès de  son  premier mari, Claude Le Viste vendit Bois-Touzet à Jean Le Picard, notaire et secrétaire du roi et épousa Jean de Chabannes, fils de Geoffroy de Chabannes de la Palice et de Charlotte de Prie. Jean était seigneur de Vendenesse et petit-neveu d'Antoine de Chabannes,  comte de Dammartin. Le couple eut une fille Françoise de Chabannes qui se maria le 8 juillet 1516 avec Jean de Poitiers, vicomte d'Estoille et seigneur de Saint-Vallier (1475-1539). Elle décéda peu de temps après, en 1518 et sa succession,  dont faisait vraisemblablement la fameuse tapisserie, fut revendiquée par ses neveux Burdelot et Luillier. Elle serait revenue en définitive au grenetier de Meaux Etienne de Mauregard, seigneur de la Borne-Blanche et oncle par alliance de Claude Le Viste.  Il vendit probablement la fameuse tapisserie car on la retrouve remaniée en  1660 au château de Boussac  où elle restera dans l'ombre pendant 2 siècles.

On peut s'interroger sur les motivations du juriste Jean LeViste lorsqu'il fit réaliser la tapisserie de la Dame à la Licorne. A mon sens, cette allégorie en 6 tableaux symbolisait à ses yeux la noblesse, statut  social et spirituel de l'aristocratie. C'était pour lui l'ultime étape sociale d'une famille illustrant la montée de la noblesse de robe et une revanche contre les consuls de Lyon qui avaient refusé de considérer son grand-oncle Antoine Le Viste comme noble.    

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Références 

A propos de la réalisation de cette tapisserie. 

  1. Selon la  "Gazette des Beaux-Arts, tome 70 (1967), p. 253-278", elle aurait été tissée à Bruxelles, ce qui est plus ou moins contestée par F.Joubert dans « La tapisserie médiévale au Musée de Cluny, Paris, RMN, 1987, p. 66-84" . En bref,  la tapisserie  n'a pas livré tous ses secrets de fabrication.
  2. Testament de Jean Le Viste du 1er juin 1500 Source  PRactMadoux selon "Bulletin monumental"; 1984, pp 397-434".
  3. L'hommage pour le fief de Villemomble à Montreuil série KK 1038, f° 9v°  et S 3572 cote14 pour le fief de la Pissote mouvant du doyen du Chapitre de Paris et série S 4403 cote 18 pour le propriété de Charles Boistel, probablement  mouvante de Saint-Antoine-des-Champs car se trouvant dans les archives de cette abbaye féminine. 
  4. Mémoire d'Antoine Leviste, grand oncle de Jean Le Viste engagé dans un procès contre les consuls de la ville de Lyon qui contestaient sa noblesse ( Archives municipales de Lyon, Cote : CC 0354. 65 feuillets . Inventaire Chappe, Vol. XII, p.361). 
" Il est vray que feu messire Jehan Leviste  et Estiennette de Seins, sa femme, père et mère de feu Jehan Leviste  dernier trespassé, estoient nobles et de noble lignée.....
Item de messire Jehan Leviste et dame Jehane de Seins, ausst feu messire Jehan Leviste, père dudit Anthoine.
Item estoit ledit messire Jehan, père d'icelui Antoine, chevalier en armes et en lois ....fut général par troys diverses fois pour le Roi, notre Sire, au pays de Languedoc, et depuis, fut ledit messire Jehan Leviste, potestat en la cité d'Ast en Piémont, pour feu monseigneur le duc d'Orléans, dernier trespassé, et après fut ledit Jean Leviste, chancelier de monseigneur le duc Loys de Bourbon, et conséquemment du conseil du Roi.
Item au regard de Estiennette, elle extraicte de nobles parens, c'est assavoir de ceulx de Seins en Masconnais; et est semblablement la femme dudit messire Jean, dame Sibille de Beaulieu, desquelx sont yssus ledit Anthoine, maistre Jean et Morelet, leurs enfans, lesqueulx enfans ont vescu noblement; a esté ledit Morelet au service du Roi, et s'est trouvé en plusieurs rencontres à la bataille du Dauphiné contre le prince d'Orange, et tiennent lesdits trois enfans plusieurs chasteaulx, fiefs et seigneuries";
  1. Antoine Leviste, seigneur des chasteaulx, terres et seigneuries d'Arcy, de Saint-Christofle-en-Briançonnet.
  2. Jean Leviste, seigneur des chasteaulx de Porcellay et la Garde en Beaujeulais par Jarnioux( 69 640).
  3. Pierre dit Morelet Leviste, seigneur des terres et seigneuries de Saint-Bonnet (Haut-Forez 42380) et de Bussières." 
 
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