Sous le règne du roi Hugues Capet (987-996) fils d’Hugues le Grand de la
dynastie des Robertiens et comtes héréditaires, le terroir de
Montreuil-sous-Bois relevait du comté de Paris et sur le plan religieux
du diocèse de Paris.
A cette époque marquée par l’essor du système féodal, les villages
étaient le plus souvent sous l’autorité de deux entités, d’une part, un
seigneur vassal d'un plus grand seigneur ou directement du roi, d’autre part un
représentant de l’évêque de Paris, car depuis Charlemagne, les rois
avaient fait d’importantes donations foncières à l’Eglise. On distingue donc.
A la fin du XIème siècle dans le nord-est parisien
deux clans proches du roi Philippe 1er (1060-1108) se disputent la
prééminence. Il s'agit du lignage de Guy II de Montlhéry, seigneur
de la châtellenie de Gournay-sur-Marne qui contrôle la rivière Marne et
la famille d'Anseau de Garlande qui occupe tous les postes importants et
garde la châtellenie de Livry-en-l’Aunoye, au sein de la vaste forêt qui
s'étend de Bondy à la Marne. Mais ces seigneurs ne résidaient pas à
Montreuil et déléguaient la gestion courante à un vassal.
En 1070 la seigneurie de Montreuil était
défendue par le chevalier Morard de Montreuil (Morardus de Monsteriolo,
mile). Il vivait au village avec son frère le marchand Barthelemy de Montreuil,
tenancier dans le village d’une terre en roture et de deux autres à
Aubervilliers et Blanc-Mesnil. Ces deux derniers biens lui avaient été
octroyés par privilèges du roi Louis VI (+ 1137).
A partir de 1099, les réguliers de l’Eglise, fer de lance
du Pape sont présents, telles les abbayes de Saint-Martin des Champs (1100) de
Saint-Victor (1113) de Saint-Maur-des Fossé (date imprécise) de Notre-Dame de
Livry (1217) et enfin de Saint-Antoine-des-Champs (1221)
Ils sont suivi des séculiers, de la paroisse d'abord, puis chronologiquement
par:
Les biens de ces institutions et leurs évolutions au
fil du temps seront détaillés ultérieurement.
En 1170, Bernier de Montreuil, clerc représentant
l’évêque de Paris, vraisemblablement apparenté à Morard, avait comme ce dernier
un frère dans le commerce, prénommé Raoul de Montreuil, propriétaire
d’un parcelle de vignes, avec droit seigneurial sur le pressoir de
Montaingrin à Montreuil. Il abandonna ce droit en 1175 à la léproserie Saint-Lazare
de Paris, donation réalisée avec le consentement de son fils Guerry, et de
son neveu Jean. Cette ébauche de généalogie sera suivie ultérieurement.
Comme tous les capétiens, le roi Louis VI le gros (+ 1137) fils de Philippe
1er scellait ses accords politiques par un mariage. Ainsi en 1140 sa sœur
la princesse Constance épousa Eustache de Boulogne, fils aîné d'Étienne de
Blois roi d'Angleterre. L’objectif du roi de France était de diminuer
l'influence de la maison de Blois dont les possessions cernaient le
royaume de France. Son gendre étant décédé en 1153, Louis VI remaria aussitôt
sa sœur avec le comte Raymond V de Toulouse, lui aussi ennemi d’Henri II
Plantagenet. Mais à la suite de dissensions politico-religieuse avec le Pape
Alexandre III, le comte de Toulouse répudia la princesse Constance au printemps
1166 et la renvoya en France. C’est à son retour à Paris que
la comtesse déchue de Toulouse distribua entre 1170 et 1176 dates de sa
mort, ses biens en faveur de l’ordre du Temple, de l’Hôtel-Dieu de Paris,
de l’abbaye de Saint-Denis et enfin de l’abbesse de Montmartre. Plusieurs
de ces actes furent paraphés par Bernier et Ulric de Montreuil, ce qui permit à
feu l'historien et abbé De Launay de la qualifier dans sa synthèse sur
"l'architecte de Saint-Louis Pierre de Montreuil" de
dame Montreuil-sous-Bois. Cette famille de Montreuil avait donc une
certaine importance en ces temps reculés.
Adam de Montreuil, premier du nom, serait
né vraisemblablement à Fontenet, de nos jours Fontenay-en-France (Val
d'Oise) de Mathieu de Montreuil et de Halewid son épouse. Sa famille était
importante au XII ème siècle et Adam entra dans les ordres alors que son aîné
Frogier de Montreuil entrait au service du roi en qualité de chambrier du
jeune et futur Louis VI. Une fille Halewid épouse de Robert Le Fort
et peut-être un frère Pierre de Montreuil complétaient cette fratrie ( Revue de
l’art chrétien n° 46 année 1896, pp 212 et 213) La famille possédait
alors des biens à Epiais les-Luzarches et cette région ( cartulaire de
Notre-Dame, t.1, 164,197,200, 201)
Nommé chanoine de Notre-Dame de Paris vers 1150, Adam de Montreuil
possédait en 1168 des biens à Montreuil-sous-Bois qu'il gérait directement
comme il était de règle à l'époque au Chapitre. Il était bon gestionnaire
car avant 1200, il avait acquis à Paris "intra-muros" le fief
des Champeaux pour lequel il obtint en 1202 de Saint-Martin-des-Champs
l'autorisation d'établir un four à pain, par dérogation à la charte de
concession accordée par Louis VII (Acte 604 de Saint-Martin, 1er janvier ou 14
avril 1202 - 1er janvier ou 6 avril 1203). L'évêque de Paris Eude
confirma cette autorisation et plus encore, l'autorisait à construire un autre
four sur la terre de la chaussée Saint-Magloire qu'il tenait de l'évêque. Adam
de Montreuil bénéficiait donc de revenus commerciaux provenant d'une activité
de marchand boulanger qui lui permit d’acquérir un fief situé de nos jours près
de l’église Saint-Eustache, à un emplacement au cœur de Paris où se
concentraient les artistes et les commerçants parisiens et qui allait devenir
plus tard, les Halles de Paris.
A partir de 1213, Adam de Montreuil fut nommé évêque de Thérouanne, important
diocèse du Nord et son fief parisien prit le nom fief de Térouenne
(Thérouanne) ou de « terra morinensis », sous lequel on le trouve désigné
dans le cartulaire de Notre-Dame et aux archives de St-Jacques-aux-Pèlerins.
Ce fief dit vulgairement Tiroy relevait du comte de Dammartin et du roi
et était soustrait alors à la juridiction de l'évêque de Paris.
A la mort d'Adam de Montreuil, premier du nom, en 1250 à Clairvaux où il
s'était retiré, le fief revint à son neveu Jean de Montreuil, premier du
nom, mais, d'après les lettres royales contenues au registre des Métiers,
l'héritier était en conflits avec les officiers du roi à
propos de ses droits de justice. Il ne put garder cette propriété qui
échappa au comte de Dammartin et fut reprise par Pierre de
Beaumont-Gâtinais dont la femme Philippa (di Ceccano) en rendit hommage en 1273
avec son gendre le comte Jean II de Montfort. Une partie des terres parisiennes
seraient revenues à l'évêque de Paris dans des conditions que nous ignorons. A
cette époque, la famille de Montreuil était dispersée sur l'ensemble de la
région parisienne et l'on trouve ses représentants notamment à
Montreuil-près-Versailles (Yvelines), Cachan et Boissy-Saint-Léger,
Saint-Denis et le Val d'Oise. On la trouve également à Montreuil-sous-Bois où
elle est en passe d'être supplantée par l'autre famille homonyme
ci-dessous.
En 1203, un chevalier nommé Pierre de Montreuil était seigneur du fief
Beaubourg « Bello Borgo » à Paris, mitoyen de la paroisse Saint-Paul (Sancti
Pauli) encore marécageuse. Il était vassal du chanoine parisien Simon de
Poissy qui en autorisait le 23 juin 1224 la vente à l’abbaye de Saint-Maur.
En réalité, ce Pierre de Montreuil se nommait Pétrus de Sancto Paulo,
fils de Philippe de Saint-Paul (Philipus de Sancto Paulo) mort vers 1223,
seigneur de fief à Bondy (Seine-Saint-Denis) Son père avait engagé cette
propriété sur les cens perçus à Bondy par le prieuré clunisien de
Saint-Martin-des-Champs, pour la somme de 140 Livres. A cet effet, il avait
obtenu l’aval de l’évêque de Paris Pierre II de Nemours qui venait d’accéder à
ce poste de premier plan. Cette précision nous amène à avancer l’hypothèse que
ce Pierre de Montreuil (olim de Sancto Paulo) serait le chambellan du roi
seigneur du fief du Petit-Montreuil qu’il céda en 1259 à l’abbesse de
Saint-Antoine. Cependant, nous ignorons s’il était originaire de la paroisse
parisienne Saint-Paul ou de tout autre lieu portant ce nom.
En tout cas, on perd la trace de ce Pierre de Montreuil (Petrus Sancto Paulo)
vers 1265, époque où apparaît un autre Philippe de Montreuil, son fils supposé.
Malgré ces homonymies, il est clair que ces deux familles de Montreuil,
étaient parfois vassales de l’évêque de Paris ou du roi à travers les
seigneurs châtelains ci-dessous, lesquels possédaient les droits seigneuriaux
sur Montreuil.
Après la disparition de la famille de Montlhéry, le châtelain Guillaume
de Garlande partageait les droits de gruerie (administration forestière) et
d’avouerie (défense des institutions religieuses) sur les zones encore boisées
avec le champenois Guy II de Châtillon, seigneur de Crécy-en-Brie et de
Montjay. Le premier sur Montreuil, le second sur les terres « essartée
de l’Aulnoye » à Sevran et Bondy, mais s’en était désisté en 1168
au bénéfice des prieurés clunisiens de Gournay-sur-Marne et de Crécy
relevant de Saint-Martin-des-Champs.
Puis Guy II de Châtillon courtisé par le roi dont il soutenait l’action, se
maria avec Alix de Dreux fille de Robert 1er de Dreux et cousine du roi. Ainsi
s’annonçait l’ascension sociale peu commune de ce rameau de la famille de
Châtillon car son beau-père Robert était le premier comte de Brie apanagé de
l’Histoire (Le premier apanage - partage d’un héritage de façon
temporaire et réversible à la Couronne, lui fut attribué en 1152. Lui et son
frère le roi étaient neveux de la princesse Constance, répudiée pour raison
d’Etat)
A la génération suivante, Gaucher III, fils de Gui II de Châtillon
et de l’héritière de Robert 1er comte de Brie va s’allier en 1193 avec
Guillaume de Garlande, seigneur châtelain de Livry (Seine-Saint-Denis) en
mariant avec lui sa sœur Adèle de Châtillon. A cette occasion, le roi va
attribuer à Gaucher III des revenus à Montreuil et Clichy-la Garenne,
pour dot de la jeune épousée, complété en 1195 par les biens que possédait la
maison de Châtillon à Viarmes (Val d’Oise).
Puis en 1205, Gaucher III de Châtillon devient comte de
Saint-Pol-en-Ternoise (Nord) à la mort de son beau-père d’Hugues IV dit «
Campdavène dont il avait épousé la fille Elisabeth. Cette forteresse du
Ponthieu sous influence flamande et française, dépendait religieusement
de l’évêché de Thérouanne (Pas de Calais) pour l’autel de son église. Ironie de
l’Histoire, ce diocèse était celui d’Adam de Montreuil cité ci-dessus.
L’ascension sociale de cette famille comtale de Châtillon-Saint-Pol va se
poursuivre mais il n’en est pas de même pour celle de Guillaume V de Garlande
mort en 1216 sans enfant mâle né de son mariage avec Adèle Alix de
Chatillon. En effet, de cette union naquirent 3 filles dont l’aînée Jeanne de
Garlande épousa le comte Jean de Beaumont-sur-Oise.
En épousant vers 1213 un veuf de renom, le comte Jean de Beaumont, fils
de Mathieu II de Beaumont et d’Adèle de Luzarches et demi-frère de Mathieu III
de Beaumont, Jeanne de Garlande entrait dans une famille importante de
Picardie. En outre, par le second mariage de sa mère, Jean de
Beaumont-sur-Oise était beau-fils d’Amauri de Meulan, seigneur châtelain
de Gournay-sur-Marne. (Val de Marne), toutes ces familles défendant les flancs
Nord et Est du royaume en contrôlant l’Oise et la Marne.
A partir de 1217, la comtesse Jeanne de Garlande céda les biens hérités
de son père, notamment le fief de Garlande mouvant de l’évêché de Senlis
(abbaye Saint-Martin, tome III, acte 737) vendu à Saint-Nicolas par son vassal
Ansel Ambeller, puis à partir de 1220 des rentes sur les cens de
Montreuil-sous-Bois données au bénéfices de la Léproserie de Saint-Lazare de
Paris, à l’abbaye augustine de Livry fondée par Guillaume IV de Garlande
l’aïeul paternel, à l’abbaye de Saint-Antoine-des-Champs ainsi qu’au
prieuré Notre-Dame-de-Gournay relevant de Saint-Martin-des-Champs.
Le comte Jean de Beaumont décédera entre 1222 et 1223 et sa
succession revint à ses neveux après intervention du roi. La comtesse lui
survécut jusqu’en 1259, mais le couple n’ayant pas eu de postérité, ses deux
sœurs Isabelle et Marie cautionneront sans difficultés les importantes
donations faites à l'Eglise sur les biens communs de Montreuil.
Il s’agissait d’Isabelle Elisabeth de Garlande épouse de Guy V, fils de
Gui Le Bouteiller de Senlis et d’Elisabeth de Trie, seigneur d’Ermenonville.
Elle se désista du droit d’avouerie sur Montreuil -c’est à dire de protection –
avant le décès de son époux en 1232, puis se remariera avec Jean 1er de
Beaumont-Gâtinais, chambrier de France. Il était de la famille possédant le
fief de Thérouanne cité à propos d'Adam de Montreuil.
Marie de Garlande, la cadette et seconde sœur de la comtesse Jeanne lui succéda
comme dame de Livry et se mariera avec le comte ardennais Henri IV
de Grandpré, fils d’Henri et Isabelle de Coucy. Ce nouvel époux décédera en
1229 et la veuve épousera en secondes noces en 1230 Geoffroy de Joinville, fils
de Simon, mariage cautionné par le comte Thibaut IV de Champagne (Jean de
Joinville et les seigneurs de Joinville, acte 265, p.302) mais elle divorça en
1232 (sentenciam divorci) par sentence de l’archevêque de Reims.
Elle se remariera en 1235 avec Anséric IX, seigneur de Montréal (Yonne) selon
certains historiens, ou bien Anséric de Montreuil selon d’autres. Elle était
toujours dame de Livry-en-l’Aunoye lorsqu’elle décédera en 1259 et cette
seigneurie revint à son fils du premier lit, Henri V de Grandpré, époux
d’Isabeau de Brienne, seigneur de Livry mais n’ayant plus de droits
seigneuriaux sur Montreuil.
Son fils Henri VI de Grandpré lui succéda et épousera Laure de Montfort, veuve
du comte de Ponthieu Fernando de Castille, tandis que sa sœur Alix de Grandpré
épousa Jean de Joinville, sénéchal de Champagne et chroniqueur de Louis XI.
Mais elle et son frère se désintéressèrent de Livry et Montreuil, suivant une
convention passée au mois d’août 1232 (ibid, acte 266, 302). De ce fait, les
héritiers de Grandpré se désintéressèrent du château seigneurial de Livry qui
tomba en ruine.
En 1277, le roi le racheta avec la seigneurie pour la faible somme de 70
Livres puis l’attribua à son chambellan Pierre V de Chambly, dit le Hideux,
important seigneur vassal du comte de Beaumont-sur-Oise.
A partir de 1238, les religieuses de Saint-Antoine-des-Champs reçoivent
des héritiers du comte Jean de Beaumont plusieurs donations à Beaumont et
Champagne-sur-Oise où elles vont se constituer une importante seigneurie
qu'elles nommèrent le fief de Saint-Antoine, puis du Petit-Saint-Antoine. Cette
seigneurie avait pour base le manoir de feu Thibaud (Théobaldus de Campania) de
Champagne, dont la veuve Jeanne de Soisy avait épousée en 1263 un autre
chevalier, Guillaume dit Eschalaz de Montreuil. C’est avec lui qu’elle aliéna
au mois d’août 1267 son manoir situé à Champagne-sur-Oise, comprenant une
grande salle, une petite salle, un pressoir, une grange et de petites étables
derrière, une cave (hovam) et une cour, des vignes et des prés, à l'exception
des fiefs, du champart et d'une obole de cens sur la masure de
Guillaume-le-Noir sise à Champagne - masure veut dire habitation, parfois
composée de plusieurs corps de bâtiments. A sa mort, ses biens personnels
revinrent à Pierre dit Eschalaz de Montreuil et seraient passé à Oudart de
Maubuisson, chevalier, seigneur de Rippe-Haute, avant qu’il ne parte au service
du roi. (Selon l'abbé de Launay)
Parallèlement, avec les subsides du comte et de la comtesse de Beaumont,
l’abbesse de Saint-Antoine acquit à Champagne-sur-Oise les biens de Pierre de
la Cengle (Petrus Cingula de Bruières) et de sa femme Sédile comme cela
résulte d'un rapport fait au roi en 1261. Or ce Pierre de la Cengle possédait
en consortium avec d’autres chevaliers ou bourgeois de Paris le fief de
Conflans à Montreuil-sous-Bois, qu'ils vendirent en avril 1277 à l’abbesse
de Saint-Antoine-des-Champs.
Ainsi Beaumont-sur-Oise et Montreuil-sous-Bois étaient liés non seulement par
feu le comte Jean de Beaumont et sa femme Jeanne de Garlande mais aussi par
l’abbaye Saint-Antoine-des Champs qui donna le nom de Petit-Saint-Antoine aux
deux premiers domaines de son vaste patrimoine temporel en région parisienne.
Ainsi se termine cette première partie sur les seigneurs de Montreuil
avant 1300. Après cette époque, le terroir sera divisé en 3 fiefs mouvant du
roi, ceux du Châtelet, de Brie-Comte-Robert et de Villemomble et une quinzaine
de censives ou domaines de plus ou moins grandes importances.
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