Les moines et leurs biens temporels
Depuis
Charlemagne, le
monachisme jouait dans la société
féodale un rôle de premier plan et une
demi-douzaine d'abbayes clunisiennes et cisterciennes
possédaient des propriétés
à Bondy.
Cette main mise de l'Eglise sur une partie importante de l'Est
parisien, mécontentait certains
seigneurs-châtelains
possédant des droits de suzeraineté
féodale ou d'administration des forêts royales
-droit de gruerie- sur Bondy et ses environs.
Au fil des temps, les abbayes suivantes possédaient des
propriétés, seigneuries, terres ou fiefs
à Bondy.
.
1) L'abbaye
de Saint-Denis
présente
depuis le VII ème siècle et la donation
testamentaire de dame Erminenthrude. Elle possédait un fief,
celui du Panetier à Noisy le sec et son emprise sur Bondy se
fait par le biais de son prieuré d'Argenteuil seigneur de
Merlan.
2) L'abbaye de Saint-Maur des Fossés, implantées à Noisy-le-sec en 842 à la suite d'une donation du roi Lothaire. Elle conservera ses terres de Noisy, Bondy et autres jusqu'en 1537, date ou ses biens reviendront à Jean du Bellay, évêque de Paris et au Chapitre Saint Louis du Louvre. Ce dernier les aliénera à divers fermiers.
3)
L'abbaye
féminine Notre-Dame
d'Argenteuil, arrivera
à
Noisy le Sec et Bondy en 1003 par le biais de la seigneurie
de Merlan, donation du roi Robert II le pieux lors de son mariage avec
Constance d'Arles.
En 1131, les nonnes seront remplacées par des moines de
l'abbaye de Saint Denis après que l'abbesse
Héloïse eut été
chassée de son poste pour avoir entretenue une liaison
amoureuse avec son confesseur le théologien Pierre
Abélard. A partir de cette date, l'abbaye devient simple
prieuré de Saint Denis mais conserve ses droits
féodaux sur sa seigneurie de Merlan, dont la
spécificité était
d'être à cheval sur les terroirs de Noisy-le-sec
et de Bondy. En 1577, la seigneurie de Merlan sera
vendue à
un bourgeois
de Paris qui créera les fiefs des Cluzeaux et de Raison
au sud de Bondy.
5)
L'abbaye
augustine Notre Dame
de Livry,
fondée
en 1186 sur donation du seigneur de Livry a été
édifiée entre 1190 et 1200. Elle recevra de
nombreuses donations dans l'Est parisien, notamment les fiefs de la
Main-Ferme et du Brichet à Bondy. Elle en
aliénera une partie en 1314 à Colin de
Nantouillet, allié de l'occupant anglais et la
récupérera après la guerre de Cent
Ans. Elle baillera le reste de ses terres par baux traditionnels ou
emphytéotiques d'une durée de 99 ans.
Seule abbaye augustine et séculière de la
région, Notre Dame de Livry
bénéficiera de protection des rois Charles V
(1364) Louis XII ( 1507) et de François 1er (1516) qui
l'autorisera en 1525 à procéder
à l'échange de son fief de la Poterne
à Livry contre la ferme dite " le fief chevalier "
à Bondy. Cet échange provoquera un
différend judiciaire qui se prolongera jusqu'en
1545.
7) L'abbaye cistersienne de Tiron, implantée à partir de 1130 au Raincy. Elle fondera le monastère Saint-Blaise de Tiron du Raincy et recevra une propriété à Bondy, connues sous le nom de terre Saint- Blaise. Le monastère et ses terres du Raincy seront aliénées en 1540 mais Tiron conservera sa terre de Bondy.
8) L'abbaye
bénédictine de
Saint-Martin des Champs
reçu
la villa de Bondy en 1060 avec tous les droits régaliens
octroyés par le roi Henri 1er puis, en 1079 et par
décision royale, deviendra partie intégrante et
l'un des nombreux prieurés de l'ordre de Cluny.
A partir de 1088, et comme nous l'avons dit prédedemment,
l'évêque de Paris lui abandonne ses droits sur
l'église de Bondy et fera de même dans les
années qui suivirent, pour 9 autres églises
voisines. C'est ainsi que se constituera au
centre de l'actuel
département de Seine-Saint-Denis un
ensemble de
seigneuries d'églises relevant de l'ordre de Cluny lequel
occupera
une place de premier
plan dans la société féodale juqu'au
XV ème siècle.
L'image ci-contre représente les biens données par le roi en 1060, chacun étant représenté par une tour, en premier la terre d'Aubervilliers, en second Noisy le Grand, en troisième Annetsur Marne (Anetus), la quatrième tour représente Bondy ( Bonzeias) et la dernière Dizy le Gros dans l'Aisne.
Elle marque symboliquement l'importance de la donation royale faite à l'Ordre bourguignon de Cluny, "fer de lance du Pape" près de Paris, ce dont témoigne l'importance des dignitaires présents:
Abbaye
possédant droit de Haute Justice, Saint Martin des Champs
assumera la seigneurie spirituelle sur la paroisse de Bondy.
Fondé
en
910
à Cluny (Saône et Loire) par Guillaume dit le
Pieux, duc d'Aquitaine et comte de Macon et de Bourges, l'abbaye de
Cluny jouera un rôle économique et politique de
premier plan auprès des souverains pendant le
Moyen-Age. |
Le début de la fin pour les moines
A l'issue de la guerre franco anglaise qui fit naître le concept d'Etat-Nation, les biens possédés par Saint Martin des Champs à Bondy étaient en triste état faute d'entretien et de bras. Malgré le manque de dynamisme de la renaissance agricole, les religieux exploiteront à leur guise la seigneurie jusqu'en 1535, date laquelle le roi et le haut clergé imposeront des abbés commendatés -généralement de puissants personnages -chargés de l'administration temporelle. Puis le roi François 1er et ses successeurs auront besoin d'argent pour mener, d'une part la guerre contre l'empereur Charles puis, d'autre part, la lutte contre la Réforme et procéderons à la vente des terres abbatiales sous exploitées. Ainsi seront vendues à des particuliers et entre 1540 et 1580, les terres situées à Bondy et relevant des abbayes de Tiron, d'Argenteuil (Merlan) de Saint-Denis et de Saint-Maur des Fossés. Par contre, Saint-Martin des Champs réussira à conserver une centaine d'arpents à Bondy autour de sa ferme de la Grange, le reste étant aliéné en 1563 au bourgeois parisien et avocat Philibert Regnard. Ce sera le premier seigneur laïc de Bondy à posséder un fief religieux, le fief Saint-Pierre, en fait une censive sur laquelle était bâties environs 25 maisons d'habitations à proximité de l'église.
Ces ventes mobilières vont
morceler le terroir
et attirer les acquéreurs parisiens. Par contre, cela va
renforcer la présence à Bondy de l'abbaye
Notre-Dame de Livry qui va faire localement office de
gardienne
des intérêts de l'Eglise. Cela lui vaudra
d'être partiellement pillée en 1567, au
début des guerres de religion qui se poursuivront
jusqu'en 1598.
A partir de 1650, les religieux de Saint
Martin qui avaient conservés leur ferme de la Grange
connurent
de graves difficultés
financières et leur prieur sera traduit en justice en 1677.
A
l'issue d'une longue
procédure, le prieurél parisien sera
déclaré en faillitte et condamnée en
1722. Il
devra vendre tous les biens qu'il avait conservés
à
Bondy, Pantin et Belleville. Mais la sentence fera objet d'un sursis
à exécution qui traînera
jusqu'à la Révolution.
Triste fin pour cette
abbaye parisienne dont les vestiges de bâtiments forment le
siège du Conservatoire National des Arts et
Métiers.